Préparer la TDS fin août, ça ne se fait pas les mains dans les poches (hélas ?!). Alors j’ai voulu tenter un format que les ultra-traileurs connaissent bien : le week-end choc… mais en format « semaine bloc ». L’idée est simple sur le papier – mais un peu moins dans les jambes : enchaîner plusieurs jours consécutifs d’entraînement avec un objectif précis pour préparer le corps et l’esprit au gros défi qu’est cette course de l’UTMB.
Le mien ? Partir tous les jours de mon camp de base, les Contamines-Montjoie, sur le chemin de la TDS justement, et faire au minimum 1 000 mètres de dénivelé positif par jour, pendant sept jours. Une façon de simuler, à l’échelle de la semaine, l’accumulation de fatigue qu’on ressent sur une longue course… et de tester la résistance du corps comme de la tête. Julie était aussi de la partie, ayant elle aussi craqué une nouvelle voie pour un dossard sur cette course aussi exigeante que belle.
Jour 1 : lancer la machine
Arrivée dans l’après-midi le samedi, la semaine bloc commence pour moi le dimanche avec une sortie qui ressemble plus à une étape d’ultra qu’à une sortie d’entraînement. Ce sera près de 40 km et un peu plus de 2 100 m de D+ en repartant en reco sur la portion Hauteluce-Les Contamines avec le nouveau tracé de l’an dernier. En 2024, plutôt que de passer par le plateau des Saisies pour rejoindre le col du Joly (joli et relativement doux), l’organisation de l’UTMB avait varié les plaisirs en passant de l’autre côté de la vallée, par le barrage de la Girotte. De nuit, je n’avais pas vraiment apprécié ce passage aux montées sèches, descentes raides et au tracé peu logique à mes yeux. De jour cette année, j’ai mieux compris.

Comment rallier Hauteluce et son excellente boulangerie ? Le plus simple est d’y aller… en aller-retour. Me voilà partie un peu après 6 heures du matin, Julie et Fred, plus rapides, me rejoindront sur le parcours en cours de journée. Les premiers kilomètres sont grisants : sentiers encore humides de rosée, premiers rayons du soleil, lumière douce qui éclaire les pentes, sensation de légèreté dans les jambes. Je me dis que si tous les jours ressemblaient à celui-là, la TDS serait une promenade.
Les kilomètres défilent, je découvre enfin le barrage de la Girotte de jour (rien vu de nuit évidemment) et je comprends mieux le tracé… même si je ne l’apprécie guère pour autant. Tout va bien jusqu’à ce qu’une erreur d’inattention me fasse rater le bon embranchement dans la descente vers Hauteluce. Je perds le sentier, je fais du « dré dans la pente » jusqu’à arriver le long de précipices et… décider de rebrousser chemin par sécurité. Julie et Fred, eux, ne se sont pas trompés et filent vers l’excellent restaurant bio Secret des Alpes avant de passer par la boulangerie Les Croës du Beaufortain (vous pouvez y aller les yeux fermés). Moi je décide de multiplier les variantes au retour et rentre en milieu d’après-midi bien fourbue. Mollets tendus, cuisses légèrement raides, pieds échauffés qui réclament une pause… cela suffira pour cette mise en bouche !

Jour 2 : la note à payer
Je crois que je dormais avant même 21h30 la veille. Au réveil, les courbatures présentes (mais pas omniprésentes) ne laissent aucun doute : la barre a été mise haut, peut-être un peu trop. Comment le corps va-t-il répondre ce matin ? Mystère. La règle, c’est pas de pause et 1000 de D+ par jour au minimum. Alors je repars pour un parcours plus court. Il n’est pas encore 7h du matin quand je rejoins Notre-Dame de la Gorge pour une nouvelle grimpette avant la journée de télétravail. J’ai une visio à 11h donc il ne faudra pas trop traîner. Le corps râle, mais je sens déjà qu’il s’adapte : la mécanique se chauffe plus vite, la douleur se fait plus diffuse. Et je m’aperçois que j’ai les ressources. Pas merci à la préparation chaotique mais merci à la reconnaissance du parcours sur 3 jours deux semaines plus tôt. Ce fut violent (tant pour le mental que les muscles) mais j’en suis venue à bout tant bien que mal quand je pensais exploser en vol.
Retour à la tête du lac de Roselend par d’autres sentiers que la veille, 1000 mètres validés, ça descend rapidement pour avoir le temps de prendre une douche et être présentable pendant la réunion. Mission validée après un peu plus de 17 bornes. Une petite sieste sera nécessaire à la pause déj mais ça tient !

Jour 3 : doublette et dîner en altitude
Au réveil le troisième jour, les jambes sont encore bien fatiguées mais répondent sans trop de difficulté malgré tout. Aujourd’hui, on scinde en deux l’objectif. 300 de D+ en express le matin et davantage le soir avec Julie. Objectif : aller découvrir le récent refuge des Prés et y dîner pour redescendre à la frontale.
À 17h30, on se met en marche pour faire les 700 et quelques de dénivelé et arriver à l’heure pour la soupe (et le dahl de lentilles, et la mousse au chocolat) servie à 19h. Belle découverte que ce lieu. On repassera pour profiter de la fondue ! En revanche, il fait encore trop jour pour allumer la lampe. Même en repassant par Balme, ce n’est qu’à l’arrivée que la pénombre nous gagne. Fin de journée avec 1055 m de D+ et environ 15 km au compteur. Next !
Jour 4 : la belle journée de balade
Mercredi, milieu de semaine. Ni Julie ni moi n’avons d’impératif aujourd’hui donc on décide de faire une sortie plus longue mais assez tranquille pour ne pas trop se cramer non plus. L’objectif est de passer du temps en altitude sans forcer. Cela part, comme d’hab’, de Notre-Dame de la Gorge, pour monter aux Lacs Jovet tout d’abord. Aussi beau que dans mes souvenirs d’enfance. Après en avoir fait le tour, rêvé d’acheter le petit refuge au bord du lac inférieur, on regarde l’heure : On a 45 minutes pour remonter au refuge des Prés avant qu’ils n’arrêtent le service du midi. Heureusement, un sentier en balcon et petit sprint à l’arrivée nous font arriver à 13h52. On est large… et affamées !

Après une omelette et une délicieuse tarte aux nectarines, on repart direction le col de la Fenêtre qui offre une des plus belles vues sur le Mont-Blanc et la chaîne de montagnes alentour. Une pépite (et accessible pour les enfants un peu motivés). Pour le retour, on bascule quelques temps côté beaufortain (coucou le barrage de la Girotte aperçu de loin) avant de retrouver le col du Joly par l’Aiguillette de Roselette. Ne serait-ce pas l’heure d’une glace Chez Gaston ? Nouveau sprint car on pensait que ça fermait à 17h (s’ils ont du monde, ils prolongent un peu pour info). La descente vers Notre-Dame de la Gorge sera vite avalée derrière. Un bonheur que cette journée. Résultat : Environ 25 kilomètres et 1700 D+.
Jour 5 : Tré-la-Tête en solo
Nouveau départ matinal pour ma part. Je décide de rejoindre le refuge de Tré-la-Tête, véritable madeleine de Proust de mes étés passés enfant aux Contamines. Le départ se fait par le chemin du TMB donc il est très emprunté en cette période de l’année. Heureusement, on bifurque assez vite (juste avant le refuge de Nant Borrant) pour trouver de la fraîcheur et de la tranquillité. Parfait car une journée chaude est annoncée.
Cette grimpette est un sacré chantier (racines, rochers où il faut parfois mettre les mains) mais l’arrivée là-haut est tellement belle. Hélas, le refuge n’a plus l’omelette aux cèpes à la carte (peut-être en demandant à l’avance ? Pas essayé). J’aurais bien continué jusqu’au refuge des Conscrits mais le travail m’appelle et je dois redescendre. Journée un peu plus tranquille (et où je ne remplis pas totalement le contrat) : 814 mètres de D+ et un peu moins de 14 km.

Jour 6 : reconnaissance stratégique
Vendredi est déjà là. Aujourd’hui, l’objectif est de repartir sur les chemins de la TDS, mais en direction de Chamonix cette fois. Le but est de partir de l’église des Contamines (devant laquelle est placé le ravitaillement pendant la semaine de l’UTMB) pour rallier les Houches par le col du Tricot et de repérer le nouvelle itinéraire à la descente vers Bellevue (qui contient une nouvelle montée et un rab’ de D+). Le retour se fera en train car nous avons une autre sortie prévue en soirée.
J’avais un peu peur de cette nouvelle doublette mais finalement les jambes répondent à nouveau bien, à la fraîche de bon matin. La grimpette entre les Contamines et les chalets de Miage est un bonheur et la montée dans le col du Tricot se fait encore à l’ombre. Ce n’est que tout à la fin que j’ai touché le soleil. À la bascule, revoilà la foule du TMB et les touristes qui sont montés, pour partie, avec le petit train du Mont-Blanc. Une portion moins sauvage mais qui fleurera bon l’arrivée quand on y sera fin août.
Jour 6 bis : terminer en beauté au coucher du soleil et sous les étoiles
Repos l’après-midi puis on repart pour le soir. Direction à nouveau le col du Joly pour assister au coucher de soleil – pas un nuage ou presque à l’horizon – et dîner Chez Gaston, ouvert exceptionnellement en soirée pour lancer un feu d’artifice. Spoiler alert : le coucher de soleil fut merveilleux mais nous n’avons pas eu le courage d’attendre 22h15 pour le spectacle. En échange, c’est la nature qui nous a offert un moment de grâce. Pour la descente, plutôt que de prendre direct vers Notre-Dame de la Gorge, Julie a la bonne idée de suggérer de faire un crochet par le refuge du Nant Borrant avant de suivre le torrent jusqu’en bas. On allume la frontale – ça fait un petit rappel pour la TDS – et nous voilà à trottiner sur ces jolis chemins, sans personne à l’horizon et sous les étoiles exactement. Parfait pour clore en beauté une semaine choc qui avait un vrai goût de paradis… Des bons souvenirs qui seront certainement utiles lorsque la douleur se fera un peu trop mordante au fil des kilomètres et du dénivelé avalés.

Bilan : au-delà des jambes
Au final, cette semaine bloc n’a pas seulement renforcé mes capacités physiques. Elle m’a obligée à écouter finement mon corps, à ajuster l’effort, à accepter d’avancer, même si c’était doucement, sans le vivre comme un échec. C’est aussi un condensé d’ultra sur une semaine : gestion de la fatigue, discipline, alimentation, sommeil. Et un rappel que la préparation, c’est un jeu d’équilibre entre pousser ses limites et savoir quand relâcher un peu. Je finis sans bobo majeur, sans blessure ou gêne physique. À présent, il ne reste plus qu’à transformer ces mètres de D+ accumulés en confiance pour le jour J. Parce qu’une chose est sûre : cette semaine bloc m’a rapprochée de la ligne de départ… un pas après l’autre.