Une course, l’UTMB, deux coureurs aux objectifs diamétralement opposés. Jim Walmsley, étoile montante du trail, prend le départ avec pour seule issue la gagne, qui lui échappe depuis plusieurs années. Florence va aller au bout d’elle-même pour passer la ligne d’arrivée dans les temps autorisés. Ils sont tous les deux au pied de l’église chamoniarde ce vendredi 26 août, concentrés comme jamais. Récit de deux aventures autour du Mont Blanc.
18h00, départ de l’UTMB à Chamonix
Les 2627 coureurs partants de l’UTMB sont regroupés devant l’arche de départ, qui sera aussi celle d’arrivée pour la majorité d’entre eux… mais pas tous. Jim se positionne à l’avant avec les élites, Florence est sur les marches de l’église quelques dizaines de mètres en arrière.
L’Américain, qui s’est installé en France depuis quelques mois, est l’athlète vedette de la marque sponsor n°1 de l’UTMB, Hoka One One. Il espère avoir engrangé suffisamment d’expérience pour venir à bout de ce parcours exigeant qu’il n’a bouclé qu’une seule fois en 2017. En 2018 et 2021, ses tentatives ont été soldées par des abandons. Même s’il est incontestablement le plus rapide, il a du mal à appréhender cet ultra de 171 km et ses différents rythmes (course, marche, relances…).
Florence a déjà terminé deux fois la CCC (100km, la 2e moitié du parcours de l’UTMB…), en 2018 et 2021. Elle a envie de se confronter à un challenge supplémentaire : deux nuits passées en course… Mais la distance est encore une inconnue pour elle, et surtout, les barrières horaires sont à surveiller de très près.
Le départ de l’UTMB est mythique, mystique, au son célèbre de Vangelis. Que l’on soit recorman du 50 miles ou journaliste parisienne, l’émotion est la même. Enfin, les dés sont jetés : la meute de traileurs s’élance dans les rues de Chamonix.
26 août, 23h15
Florence sort des Contamines. Elle a parcouru les 31 premiers kilomètres et la première « bosse » (le col de Voza) en 5h15. Elle court parmi les derniers du peloton, mais son allure reste conforme au plan de course et elle a de bonnes sensations. La famille était là, à Saint Gervais et aux Contamines. Les choses sérieuses commencent ici, le début de la solitude aussi. Il va y avoir beaucoup moins de public à partir de cette étape et jusqu’à Courmayeur, le lendemain en fin de matinée.
Jim caracole en tête depuis le ravitaillement de Saint-Gervais. Il a passé le ravitaillement des Chapieux (km 50) et est désormais en pleine ascension du Col de la Seigne. Tout le monde a les yeux rivés sur sa course et se demande s’il va réussir à garder ce rythme…
27 août, 3h15 du matin
Florence atteint le 45e km et les 2456 m d’altitude du refuge de la Croix du Bonhomme, la 2e – et plus grosse – montée du parcours. Elle évolue bien, a même remonté des places, mais la nuit est longue et le froid commence à se faire sentir.
Au même moment, Jim passe le contrôle d’un autre refuge, italien celui-ci ! À Bertone (km 85), il est toujours en tête.
27 août, 8h30
La fin de nuit a été très compliquée pour Florence. À la sensation de froid s’est ajoutée l’envie de dormir et la difficulté à s’alimenter… une combinaison dangereuse en ultra trail. L’allure a baissé, mais elle est encore tout juste dans les temps et espère réussir à rebondir très vite. Malheureusement, les Pyramides Calcaires après le col de la Seigne (km 73) sont redoutables…
Jim a lui aussi eu du mal à s’alimenter lors de son passage au dernier ravitaillement de Champex-Lac. Il a maintenu son rythme pendant les premiers kilomètres roulants jusqu’à Plan de l’Au (km 131) mais accuse désormais le coup, et entame la montée de Bovine privé de ses forces. Ses poursuivants – Kilian Jornet et Matthieu Blanchard – sont tout près (6 minutes d’écart à Plan de l’Au) et sur le point de le doubler.
27 août, 13h00
Florence avance péniblement sur les 4 kilomètres de descente accidentée avant Courmayeur. Son espoir de rattraper le temps perdu s’envole peu à peu. La barrière horaire est à 13h15 à Courmayeur (km 81), elle sait désormais qu’elle n’y arrivera plus.
Jim évolue en 3e position depuis La Giète, mais il rencontre une nouvelle grosse défaillance dans la dernière montée de La Tête aux Vents (km 161). Les douze minutes d’avance qu’il avait à Vallorcine pour conserver sa place sur le podium sont en train de fondre. Et Thomas Evans est déjà dans son dos, il le rattrape et le passe.
27 août, 15h10
Florence est arrivée à Courmayeur à 13h50, trente-cinq minutes après la barrière horaire. (Au même moment, l’ultra-terrestre Kilian Jornet franchissait l’arche d’arrivée et pulvérisait le record du parcours.)
Jim atteint enfin les rues de Chamonix, il n’a pas pu résister à la remontée de Thomas Evans mais fait preuve d’une ténacité hors normes pour boucler la course, malgré la douleur. Cela lui vaut une 4e place en 21h12, certes loin de l’objectif de victoire mais son meilleur classement sur l’épreuve. Un peu plus tard, quelqu’un l’entendra prononcer un encourageant « We’ll give them hell next year* »…
*on va leur en faire baver l’année prochaine
Pour Florence comme pour Jim, 2022 a été une année « sans ». L’UTMB a encore une fois été redoutable, avec 32% d’abandons. Mais pour nos deux héros, c’est sans conteste une année d’acquisition d’expérience… pour mieux revenir. Je continuerai à miser sur eux !
Le récit de Florence est ici.
L’interview de Jim (quelques mois avant la course) est ici.
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Très beau portrait/récit d’aventure croisés ! Et oui, il y a de la
Place pour différents coureurs sur cette course mythique et c’est chouette de montrer comment ça se passe de l’intérieur, chacun a son niveau 😊
🙂 Pour estimer mon temps de course, en général je multiplie par 2 le temps du gagnant… ça veut tout dire. J’espère pouvoir raconter à nouveau cette histoire avec une fin différente pour les 2 !