Qu’est-ce qui est plus dur qu’un ultra-trail ? L’assistance d’un ultra-trail ! Pour avoir été dans les deux situations, le niveau de stress (et de fatigue) d’une assistance n’est pas toujours simple à gérer. Et essayer de deviner quand son poulain ou sa pouliche bipera au prochain ravito revient à regarder dans une boule de cristal. On a beau envisager toutes les configurations, il y a toujours un grain de sable qui vient se glisser dans un plan de passage bien huilé… en théorie.
Faire l’assistance dans un ultra, c’est quoi ? Sur le papier, c’est assez simple : aider le ou la traileuse à gérer au mieux son ravitaillement en lui fournissant un soutien moral comme une aide technique (changer de vêtements, refaire le plein de barres énergétiques, remplir les gourdes…). Vous avez sans doute entendu parler des ravitaillements ultra-rapides et précis d’Alix Noblat avec son compagnon, Mathieu Blanchard (2e à l’UTMB en 2022 et 4e en 2023). On va tout de suite oublier ces ravitaillements dignes d’un arrêt au stand en formule car ce n’est pas souhaitable/jouable pour un sportif amateur. Mais cela n’empêche pas de prendre les bonnes idées. Voici nos conseils pour réussir une assistance ravitaillement en trail.
10 conseils pour bien gérer l’assistance ravito en trail
1 ) Planification :
Étudiez le parcours, les points de ravitaillement, et les endroits où l’assistance est autorisée. Assurez-vous d’avoir un plan détaillé pour chaque point de rencontre. Et demandez à la personne qui court de vous fournir une évaluation, même vague de ses temps de passage. L’application Livetrail peut même faire les calculs toute seule et c’est plutôt fiable ! (sinon, en demandant gentiment à Julie, elle vous crée un plan de course en moins de 30 jours et 8 784 heures de fichiers Excel complexes… 😜).
Attention, sur certaines courses, des routes seront barrées, des parkings inaccessibles… (coucou l’UTMB). Il n’est pas inutile de se renseigner en amont auprès de personnes qui ont déjà fait l’assistance sur ce parcours (via les forums, les réseaux sociaux…) ou même de passer un coup de fil à l’organisation qui sera de bons conseils.
2) Communication :
Établissez un moyen de communication fiable avec le coureur ou la coureuse. Certains louent une balise, achètent un trackeur satellite (InReach de Garmin par exemple) ou s’équipent de sortes de talkies-walkies. Le plus simple est de se mettre d’accord pour que la personne en course envoie un petit message à certains points de passage où ils ne bipent pas ou alors envoie un message (SMS, WhatsApp) à l’approche d’un ravito. Ce ne sera pas toujours possible (conditions météos, fatigue lucidité) donc ne comptez pas dessus à 100 %
3) Kit de ravitaillement
Préparez un sac avec tout ce dont le sportif ou la sportive pourrait avoir besoin : nourriture, boissons, vêtements de rechange, médicaments, etc. Adaptez le contenu en fonction des besoins spécifiques du coureur et de la météo prévue. Ce sac, il faut évidemment le faire avec la personne qui va courir car c’est elle, in fine, qui vous dira ce dont elle pourrait avoir besoin. Faites-vous une liste pour chaque point de ravito (exemple : « ravito 3 : lui donner sa frontale et lui demander s’il veut une couche supplémentaire pour la nuit. ravito 4 : vérifier la batterie de la frontale et du smartphone. ravito 5 : lui donner ses lunettes de soleil pour le jour qui se lève… »). Une liste sur du papier, que vous gardez à la main pour que le stress ne vous fasse pas oublier un truc majeur.
Un kit de base conseillé :
– Des vêtements de rechange (beau temps, mauvais temps)
– Une trousse de soin (ampoules, chutes, bobos divers, tampons ou serviettes pour les femmes, etc.)
– Une serviette et une éponge humide (on enlève la transpi) ou des lingettes
– De la bouffe à profusion mais toujours testée et validée en amont, idem pour la poudre à mélanger à l’eau
– Une batterie externe (chargée !) et des câbles (pour le smartphone, la montre, les écouteurs éventuels…)
– Éventuellement, des équipements en cas de casse ou de perte (lampe frontale, lunettes de soleil, bâtons, gourdes)
– Les kits pour la journée et la nuit suivante si la personne qui court fait du très long (un kit = un sac de congélation étiqueté pour ne pas se tromper)
4) Connaissance des besoins du coureur
Certains coureurs ont des besoins très spécifiques en matière de nutrition ou d’équipement. Assurez-vous de savoir ce que votre coureur préfère manger ou boire, et quand. Le mieux est de faire parler la personne sur ses précédentes courses. Au premier ravito, elle a fait quoi, au deuxième, au troisième, dans la nuit, etc. Il faut aussi se mettre d’accord : l’assistance sera en mode « je te booste et même je t’engueule » ou « je te soutiens mais surtout je m’occupe de la logistique ». Chacun peut avoir des besoins différents. Créez-vous aussi une routine : toujours les mêmes choses au même endroit dans le sac de trail, toujours commencer par remplir les gourdes et toujours la flasque avec la poudre à gauche, par exemple.
5) Restez flexible
Les choses ne se passent pas toujours comme prévu en trail. Les conditions météorologiques peuvent changer, le coureur peut être en avance ou en retard… soyez toujours prêt à vous adapter. En ultra-trail, un temps de passage peut vite glisser de quelques heures en fonction de la météo ou de l’état de forme, il faut le savoir.
6) Soutien moral
Être là pour encourager et rassurer le coureur est aussi crucial. Les trails peuvent être extrêmement exigeants physiquement et mentalement, et un peu de motivation peut faire une grande différence. Préparez-vous des phrases de motivation (vous pouvez regarder des vidéos d’assistance pour trouver les mots), soyez à l’écoute et ne perdez pas votre objectif : que le coureur ou la sportive mange bien au ravito, reparte avec le bon équipement, ait de quoi se nourrir et boire jusqu’à la prochaine base de vie et si en plus, vous avez trouvé les mots justes pour une motivation reboostée, c’est parfait !
7) Équipement de secours
Ayez toujours avec vous un kit de premiers soins, une couverture thermique et d’autres équipements de sécurité. En cas de blessure ou de problème, être préparé peut être vital. Ayez aussi de quoi réparer de la casse matériel : des épingles anglaises pour une poche du sac de trail qui lâche, des lacets supplémentaires ou une autre paire de chaussures si la pompe a trop morflé au contact d’une racine… Après, il y a aussi des tentes de premier secours sur les principales bases de vie. Et les bénévoles ou d’autres traileurs seront toujours là pour aider !
8) Respectez les règles
Chaque course a ses propres règles concernant l’assistance. Assurez-vous de les connaître et de les respecter. Cela peut éviter une disqualification ou une pénalité en temps mais c’est aussi une question d’équité : tout le monde n’a pas une assistance aux ravitos. Alors passer une gourde supplémentaire au passage d’un col accessible en voiture, récupérer les bâtons avant la dernière descente ou proposer de se réchauffer dans la voiture le temps de boire sa soupe quand les autres grelottent en plein vent; on oublie tout de suite !
9) Soyez autonome
En tant qu’assistant, vous allez/pourriez passer de longues heures d’attente. Pensez à prendre de quoi manger, boire, vous protéger du soleil ou du froid, et de quoi vous occuper. Ayez le bon équipement pour vous (attendre 1 heure en statique dans la pluie, le vent et le brouillard est une éventualité). Repérez aussi les points où vous pourrez manger, vous réchauffer, etc. On a testé l’assistance en camping-car et ça change un peu tout, il faut bien l’avouer. Pouvoir se faire des pâtes chaudes puis s’allonger au chaud ne serait-ce qu’une ou deux heures entre deux ravitos, c’est quand même le bonheur. Mais n’oubliez pas de mettre un réveil en prenant des marges larges, on ne sait jamais !
10) Anticipez la suite
Si votre coureur décide d’abandonner ou termine la course, ayez toujours un plan d’avance. Où vous retrouverez-vous ? Comment rentrerez-vous ? Et lui ou elle ? Où se reposera-t-il (ou elle) ? Il est important de prévoir toutes ces éventualités (en lui en parlant ou non, pour ne pas instiller cette idée dans sa tête). Il faut toujours prévoir le coup d’après. Généralement, les coureurs DNF sont pris en charge, soit jusqu’au prochain gros ravito, soit jusqu’à l’arrivée. Mais cela peut prendre plusieurs heures avant leur rapatriement. De même, s’il avait prévu un sac d’allègement, il faudra s’inquiéter d’où aller le chercher. Un petit sac avec des affaires post-courses au fond du coffre de la voiture, ce n’est pas une mauvaise idée.
L’assistance au ravito : une forme de « dopage » ?
Évidemment, on ne veut pas insinuer que l’assistance en cours est une forme de triche mais il est indéniable que cela donne un avantage certain. Allez voir sous la tente à Trient ou Vallorcine sur une des courses de l’UTMB, en pleine nuit. Il y a les coureurs et coureuses seuls, frigorifiés, fatigués ++ qui ont le regard dans le vide et ne bougent pas pendant de longues minutes avant de se traîner au buffet du ravito sans savoir quoi prendre car ils ont la nausée (ça sent le vécu ? absolument !).
Et puis il y a ce traileur ou cette traileuse qui a son accompagnant au taquet. Le bouillon au riz est déjà servi sur la table, le kit « jour » est prêt, la check-list des questions vitales sera déroulée avec minutie. Il n’y a qu’à se laisser porter, déverser ses doléances éventuelles, recevoir de l’amour, échanger trois blagues et on repart avec un gros boost pour la prochaine montée. Si on ne discute pas trop, on gagne du temps et on aura sans doute bien mangé (n’hésitez pas à forcer votre poulain ou pouliche à avaler quatre grosses gorgées de nourriture chaude dès l’arrivée, en mode gavage, avant même de s’asseoir pour réveiller l’estomac). Et c’est encore plus criant quand la météo est très mauvaise et qu’on a le luxe de pouvoir changer de multiples fois de vêtements au long du parcours quand le dossard lambda sans assistance devra « faire avec ». C’est-à-dire avec ce qu’il a pris au départ de la course et ce qu’il a éventuellement mis dans son sac d’allègement pour l’ultra.
Alors, oui, objectivement, et pour avoir bénéficié de ces conditions (merci Alexis, Virginie, Julie, merci la famille x 1000), on se dit que c’est un peu du dopage quand même. Et que ce ne serait pas inintéressant, pour mettre tout le monde sur un pied d’égalité, d’interdire l’assistance et de rendre chaque coureur et coureuse plus autonome. Chiche ? Et si, en plus, ça peut réduire l’empreinte carbone des « courses nature »…
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