Mi-juillet a lieu l’Eiger Ultra Trail à Grindelwald. Un évènement du circuit UTMB aux multiples distances, du 16 km au 250 km en passant par un 53km. Aussi appelé « Panorama Trail », ce format E51 propose un parcours exigeant avec une vue spectaculaire sur les Alpes bernoises. La météo très ensoleillée de cette édition 2023 a rendu la course aussi belle qu’éprouvante. Voici les paysages de carte postale révélés le long du chemin…
Samedi 15 juillet, 7h10. Les coureurs de la première vague (temps de course estimé inférieur à 9h30, soit la moitié des participants) sont prêts à en découdre. La journée s’annonce ensoleillée et chaude, avec des risques d’orage dans l’après-midi. Il va falloir profiter de ces premières heures encore fraîches. Je suis venue en Suisse avec Alexis (mon mari), Florence n’ayant malheureusement pas trouvé de logement (cf. infos pratiques en bas d’article).
Après le traditionnel départ dans les rues du village, nous rejoignons rapidement le sentier qui mène au premier ravitaillement de Grosse Scheidegg. Quelques minutes sont nécessaires pour réguler le flux des coureurs (voir photo), mais l’attente – moins de 10 minutes – est raisonnable et ne se reproduira pas.
Première montée au frais
Le parcours est « pyramidal », dans le sens où la première moitié de la course s’effectue quasi exclusivement en montée. Une fois arrivé au point culminant (Faulhorn, 2679m), on aborde une très longue descente ponctuée de brèves remontées. Un profil qui peut sembler rassurant mais va s’avérer très éprouvant musculairement.
La première ascension est celle de Grindelwald à Grosse Scheidegg (environ 970 D+), agréable car encore partiellement à l’ombre. Une fois arrivés au col, la récompense est déjà là, avec un panorama des deux côtés magnifié par la lumière du début du jour.
La suite de l’ascension est une bonne surprise : le parcours est très roulant, les kilomètres défilent. On évolue dans les alpages verdoyants avec en toile de fond la ligne des sommets enneigés (Eiger, Mönch, Fischerhorn…). C’est tout simplement sublime, et ce relief facile permet d’en profiter pleinement.
First et son “cliff walk”
Moins d’une heure plus tard, c’est déjà le point de parcours de First, un lieu prisé des randonneurs car au départ de nombreux itinéraires. C’est surtout l’endroit que je redoute car le parcours fait une boucle pour emprunter le « Cliff Walk« , une passerelle accrochée à flanc de falaise. Pendant de (trop) longues minutes, on évolue le long de la paroi rocheuse, avec un passage totalement suspendu … qui fait battre le coeur encore plus fort.
Le chemin mène ensuite jusqu’au lac de Bachalp à 2265m d’altitude. Ici encore, la vue sur les 4000 environnants est saisissante. On progresse rapidement car c’est toujours très roulant avec de longues portions courables.
Après une légère remontée et la première brève descente (environ 300m D-), c’est déjà le ravitaillement de Feld. La chaleur commence à se faire sentir, les coureurs prennent plus de temps pour se ravitailler en eau et se rafraîchir quelques instants à l’ombre. On va encore descendre un peu avant d’attaquer la grosse montée jusqu’à Faulhorn.
Cette ascension est la plus raide de la course : 768m de D+ en un peu plus de 3km. Il fait chaud, de nombreux coureurs sont en difficulté. Par chance, je me sens très bien, j’ai mangé et bu régulièrement jusqu’ici. Je suis donc en capacité de faire toute la montée d’une traite, à allure régulière. Je remonte pas mal de places et c’est assez motivant ! À l’approche du sommet (> 2600m), je commence toutefois à ressentir les effets de l’altitude : le souffle se fait plus court.
Peu importe, Faulhorn est déjà là avec son arche et sa plateforme panoramique. Tout le monde ou presque prend le temps de la pose, pour immortaliser cette vue incroyable à 360°.
Après Faulhorn : le chantier
Il est tout juste midi, je suis montée en moins de 5 heures… on pourrait croire que le retour ne va être qu’une formalité. En descente, ça devrait aller plus vite qu’en montée non ? Malheureusement, le chantier commence ici. On attaque avec une descente raide dans les pierres mais courte, puis un long passage avec beaucoup de rochers sur lequel la vitesse chute brutalement.
Le plan de course qui jusqu’alors était plutôt bien pensé commence à s’éloigner de la réalité ! Au lieu des quarante minutes prévues, je mets presqu’une heure pour atteindre le ravitaillement (en eau uniquement) d’Egg. Il était temps, car je bois beaucoup plus et ma réserve d’eau est totalement à sec.
Ce début de descente n’est qu’une mise en bouche. On enchaîne avec une longue portion à nouveau assez facile où l’on court souvent. On bascule ensuite en pente plus raide, sur des chemins puis une longue piste qui mène au ravitaillement de Schwand. L’étape nous fait descendre de quasiment 750m D- sur 8km. Les cuisses et les genoux souffrent, mais la vallée est encore loin.
Burglauenen : presque la fin
C’est entre Schwand et Burglauenen qu’existe la PIRE portion de chemin de trail en forêt de l’univers ! En tout cas, c’est l’effet ressenti ce jour là. Des racines énormes combinées à une pente qui oblige à franchir de hautes marches finissent de démolir mes quadris et – sensation inhabituelle – mes pieds sont recouverts d’ampoules.
J’évolue à vitesse escargot sur cette étape de 6 km et 900m D-. Pour corser le tout, il y a un petit bonus de montée (200 à 250m D+). Malgré mes efforts pour occulter la pensée, une voix répète en boucle dans ma tête « Trois fois ÇA ! ». En effet, dans 6 semaines, je suis censée prendre le départ de la TDS… qui représente trois fois cette distance et ce dénivelé. L’idée me terrifie.
Heureusement, les copines sont là pour le soutien : sur Whatsapp, les vocaux et vidéos s’enchaînent et me redonnent le sourire. Leslie chante Obispo pour moi (j’ai oublié mes écouteurs), Emma dégaine le discours des winneuses, Delphine me rappelle que la médaille caillou est unique et Flo me motive en me donnant les temps de passage d’Alexis. Je ne suis clairement pas seule, on avance ensemble jusqu’à cette arrivée !
Et puis, il y a la pensée rassurante de la fin de parcours à plat. Je n’aurais pas cru ça possible, mais la perspective de poser le pied sur du bitume me réjouit, tant les ampoules me font souffrir. J’arrive ainsi tant bien que mal à Burglauenen, le village situé en contrebas de Grindelwald. C’est le dernier ravitaillement avant l’arrivée, mais aussi la base de vie des coureurs de l’E101 qui sont à mi-course.
Dernière ligne droite
L’objectif de rester sous les 9h30 est oublié, je prends donc mon temps avant de repartir. Je bois, me rafraîchis et m’assieds quelques instants. Le caillou est à portée de… 7 km en ligne droite, sur un plat légèrement montant (environ 150m D+). J’avais prévu 1h15 pour cette dernière étape, elle passera finalement plus vite que prévu. Même avec mon allure très ralentie, je rejoins Grindelwald en une petite heure.
Petit conseil pour cette dernière partie : prévoir de la musique, des ami(e)s au téléphone ou – comme la coureuse devant moi – à vélo, car c’est assez monotone. L’essentiel est de trouver le moyen de courir, au moins partiellement. Bonne surprise, la présence d’une rivière apporte une relative fraîcheur.
Une dernière montée, le virage à gauche et c’est déjà la fin : quelques centaines de mètres suffisent pour franchir la ligne et se voir remettre la fameuse médaille caillou. Qu’est-ce que ça fait du bien d’arriver ! On en oublierait presque les difficultés et les doutes des dernières heures… Cette course se mérite mais est magnifique, et l’édition 2023 à la météo parfaite nous en a mis plein les yeux !
Pratique
Y aller : En train de Paris, prévoir 3h jusqu’à Bâle, puis 2h jusqu’à Interlaken et enfin 30 minutes pour rejoindre Grindelwald. Le Swiss Travel Pass permet de voyager sur tous les trains en illimité pendant une durée déterminée. Très pratique puisque les stations autour de Grindelwald sont quasiment toute reliées par le train. Budget : environ 250€ pour 3 jours en 2e classe.
Se Loger : Il faut s’y prendre TRÈS à l’avance, car l’hébergement pendant les jours de course est totalement full dans la vallée. Nous avons logé au Parkhotel Schoenegg, un hôtel 3* très bien situé et parfaitement adapté pour les coureurs. Le dîner de la demi-pension est copieux, équilibré et savoureux. Rien ne manque sur le buffet du petit-déjeuner. Un service spécial est proposé aux coureurs lève-tôt avec petit-déjeuner (choix réduit) disponible toute la nuit. Quant à l’accueil, il n’y a rien à dire, c’était parfait.
Découvrir : à Grindelwald, tout est prévu pour accueillir les touristes du monde entier dans d’excellentes conditions. En plus de toutes les activités classiques de montagne, on peut profiter de son séjour pour aller découvrir Jungfraujoch, la gare la plus haute d’Europe. À 3454m sont réunis un palais de glace, une terrasse panoramique, plusieurs restaurants, un funparc de neige ou encore une chocolaterie !
Course et organisation : L’Eiger Ultra Trail bénéficie d’une organisation efficace et bien rodée. Gros avantage, les ravitaillements sont rapprochés (maximum 1h20 d’écart avec mon allure) et très bien fournis. Mention spéciale pour les barres de céréales artisanales proposées pendant la course en version sucrée ou salée !
J’ai beaucoup aimé le concept de la médaille caillou, même si je me suis demandée d’où celui ci provenait…?* Le cadeau remis à tous les coureurs est aussi très chouette : un couteau suisse du partenaire Victorinox. Enfin, chaque finisher se voit aussi remettre un tee-shirt technique.
*EDIT : Annick, lectrice de ce blog, vient de me confirmer qu’il s’agit bien d’un petit morceau de l’Eiger, la montagne célèbre (et parfois tragique) qui donne son nom à la course. Merci Annick ! Cette vidéo explique le procédé de collecte des pierres au pied de l’Eiger par un guide local : https://www.youtube.com/watch?v=rw-ODJPpb0Y
Bien le bonjour,
J’aime bcp vos articles !!!!! Je cours aussi et mon dernier Trail sera l’OCC 🎉 !!!!! Car j’ai 67 ans 😉
Cette année j’ai fait le 16 km à l’Eigertrail avec mon beau-fils….. qui est venu m’encourager l’an dernier sur le 36 km et voulait essayer de courir un Trail.
Il a été enthousiasmé 🤩
J’ai fait 2x le 36 (une horreur l’an dernier avec la chaleur) et aussi le 53 km !
La description de la descente sur Burglaunen est tellement bien décrite ….. je l’ai fait en 2019 et je m’en souviens encore. 🤪
Alors la médaille pierre est une mini-partie de l’Eiger qui est ma montagne préférée ❤️
L’avant-dernier article où l’on se demande pourquoi on s’est inscrit et que le sentiment de peur d’avant-course grimpe…. 😅 ça m’a bien aidé avant le marathon du Mt-Blanc car des fois on se dit qu’on est seule à être aussi stressée.
Par contre j’ai complètement « oublié » de manger pendant les 14 premiers km (incroyable) et au moment de basculer sur la montée des Aiguillettes des Possettes et la chaleur aidant 😱 ….. plus de jus ! J’ai stoppé au bout de 20 km !!!!!
1ère fois que j’abandonne …. Il faut bien une 1ère fois ☺️
Je vous souhaite une belle journée des environs de Lausanne et je me réjouis de votre prochain article.
Salutations sportives 😁
Annick
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