Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu le vertige. Cela ne m’a jamais réellement gênée – il y a plein d’alternatives à l’escalade, la via ferrata ou le VTT de descente ! – jusqu’à ce que je sois piquée de trail. J’ai bien dû me rendre à l’évidence que le plaisir était parfois gâché par la peur et que certains itinéraires ne m’étaient pas accessibles… L’hypnose étant considérée comme un bon moyen de lutter contre les phobies, j’ai voulu tester.
Franchir le pas
Il a fallu du temps avant que je me lance. Quel type d’hypnose permet de soigner la peur du vide ? Vers quel thérapeute m’orienter ? J’étais un peu perdue et remettais toujours la chose à « plus tard » ou « la saison prochaine ». Jusqu’à ce que quelqu’un me parle d’une amie, médecin généraliste, qui venait de terminer une spécialisation en hypnose. Ni une ni deux, je la contacte pour lui poser toutes mes questions. Comme cette amie est basée à La Réunion, elle m’oriente vers l’institut parisien où elle a été formée pour que je puisse bénéficier de rendez-vous « physiques » plus efficaces qu’en distanciel.
Il s’agit de l’institut IFPPC CAMKeys , dirigé par Isabelle Célestin-Lhopiteau : il regroupe une équipe de psychothérapeutes (médecins et psychologues), de formateurs (médecins, psychologues, infirmiers) et de chercheurs, autour des pratiques psycho-corporelles. Un coup de fil me permet d’obtenir un rendez-vous avec une spécialiste adaptée (en fonction de la problématique, certains thérapeutes sont plus qualifiés que d’autres).
Lorsque je me renseigne sur la méthode, on m’explique que le parcours d’hypnose thérapeutique est en général de trois séances d’environ 45 minutes. Pendant la consultation, l’hypnopraticien guide le patient vers un état modifié de conscience pour le soigner. L’hypnose permet de se reconnecter à ses ressources et modifier la relation que l’on a avec son corps, les autres et le monde qui nous entoure. Le tarif (non remboursé) dans ce centre est de 115€ par rendez-vous. Un budget que je suis prête à débourser pour me débarrasser de ma peur, d’autant qu’elle grandit avec les années…
Première séance d’hypnose
C’est ma première expérience d’hypnose, je ne sais pas trop à quoi m’attendre. Une chose est sûre, je suis partante et prête à tout faire pour que cela fonctionne. J’ai beaucoup entendu que l’hypnose ne fonctionnait pas sur tout le monde… mais que le consentement de départ y était pour quelque chose. D’emblée, la thérapeute m’explique que je vais rester consciente pendant toute la session. Elle va simplement me guider par sa voix vers un état de relaxation qui lui permettra de glisser de nouveaux schémas de pensée dans ma tête.
Nous démarrons par un échange rapide autour de ma problématique : comment ma peur du vide se manifeste, quelles sont les pensées qui me viennent systématiquement lors des crises, comment je ressens la peur physiquement, etc. J’essaie de tout décrire le plus sincèrement possible.
Puis elle m’invite à m’installer plus confortablement dans le fauteuil, et à placer mes mains dans une position particulière, l’une en face de l’autre, sans contact. Pendant que je me concentre pour maintenir la position, elle commence à parler, d’une voix calme.
Un flot d’émotions
Petit à petit, je sens que mon cerveau est partagé entre l’attention nécessaire pour les mains et les pensées provoquées par le discours de la thérapeute. Elle évoque les situations de vertige, les sensations, les pensées qui me sont familières mais aussi celles que je n’ai jamais (par exemple, le fait de prendre du plaisir lorsque je marche sur un sentier avec une belle vue).
Ma tête est est ébullition, j’ai un flot de pensées qui me traversent, l’impression d’être submergée par des émotions diverses : le ventre noué par le vertige, les larmes qui me montent aux yeux, la peur, puis la tristesse, la joie… un vrai yoyo émotionnel guidé par la voix.
La séance prend fin et nous débriefons quelques minutes. Elle est satisfaite et me décrit en détails tous les petits mouvements corporels inconscients que j’ai eus pendant qu’elle me parlait et qui vont l’aider à affiner son approche : par exemple, avoir les mains ou doigts qui bougent à l’évocation de certains mots, le visage qui se crispe pour d’autres, etc.
Un nouveau rendez-vous est fixé pour la semaine suivante. En sortant, je me sens plus téméraire, j’ai envie de me confronter au vide. Je me demande si je peux reprendre le contrôle sur mon ressenti lorsque je suis face à cette peur et remplacer mes pensées négatives par autre chose. J’ai l’impression que les choses bougent.
Les séances suivantes
J’attends beaucoup de la deuxième séance, celle de la semaine dernière m’a bien chamboulée et j’ai beaucoup pensé au sujet ces derniers jours… surtout, j’ai eu plein de NOUVELLES pensées, plus positives, en lien avec les situations qui habituellement me stressaient.
Par exemple, lorsque je passe sur un pont (je vis à Paris) et que je vois quelqu’un qui est penché au bord et admire la vue, j’ai bien sûr toujours le schéma de pensée n°1 : « il va glisser, se pencher un peu trop et tomber » (je visualise même la scène…). Mais la nouveauté, c’est que d’autres pensées me viennent désormais, qui contrebalancent la première pensée : « la vue est jolie« , « le pire ne va peut-être pas arriver« , etc.
La séance est plus courte car nous passons plus vite à la partie hypnose, sensiblement identique à la semaine précédente. En revanche, je ne ressens pas tout à fait les mêmes choses. Au lieu de progresser vers de nouvelles pensées, j’ai l’impression d’être un peu perdue, de repartir en arrière, de ressasser les pensées négatives d’avant. La thérapeute m’explique que c’est normal, je suis à mi-chemin et manque encore de repères pour ancrer mes nouvelles pensées. La dernière séance devrait m’aider, et il faut ensuite un peu de temps pour que les nouveaux schémas de pensée s’installent.
Un 3e rendez-vous pour « ancrer »
Le troisième rendez-vous est axé sur la recherche d’outils concrets pour pérenniser les pensées distillées pendant les premières séances. Par exemple, lorsque la peur se manifeste, comment réagir pour faire intervenir rapidement de nouveaux schémas de pensée et mieux maitriser son corps. En effet, dans mon cas, le vertige me fait perdre l’équilibre…
La thérapeute me donne des exemples de pensées-type qui peuvent m’aider : imaginer un arbre, ses racines ancrées dans le sol… Le regard est également important, le fait de le fixer sur un élément peut aider. Et concentrer ses pensées sur une partie du corps (par exemple les mains) peut aussi aider à se recentrer et retrouver le contrôle.
Nous terminons ici le parcours thérapeutique. Je suis invitée, si je le souhaite, à reprendre un 4e rdv après avoir laissé passer quelques semaines… ce que je ne ferai pas.
Bilan après les 3 séances
Difficile d’estimer précisément le changement. Je peux témoigner que de nouvelles pensées me traversent l’esprit, plus positives, et viennent légèrement atténuer les peurs et pensées négatives que j’ai toujours. En trail, je constate que les descentes me semblent moins difficiles qu’avant. J’arrive à prendre plus de vitesse dans les portions modérément techniques. Pas de réelle confrontation au gros vertige pour le moment, on verra dans les prochains mois…
Bilan après 5 mois
Il n’y a pas eu de phénomène miraculeux, mon vertige n’a pas disparu. Néanmoins, je me sens moins angoissée dans des situations qui, auparavant, m’auraient vraiment mise dans l’inconfort. En trail, sur des ponts/passerelles, j’arrive mieux à « absorber/laisser passer » les émotions de peur. Elles sont toujours là mais j’arrive aussi à générer des pensées avec des scénarios plus favorables, qui m’aident à avancer. En revanche aucun progrès en VTT ! Je suis paralysée dès que le chemin est plus technique. Et je pense ne jamais pouvoir pratiquer la via ferrata ou l’escalade…
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Il y a donc eu une amélioration ! Peut-être aurait-il fallu plus de 3 séances…
Merci pour le retour d’expérience !
Effectivement, il y a eu amélioration dans la gestion des pensées et c’est bénéfique dans de nombreuses situations, pas seulement celle de la peur du vide.
En revanche il ne faut pas s’attendre à une disparition de la peur ou des symptômes, en tout cas ce n’est pas ce que j’ai vécu.
Quant aux séances supplémentaires… je ne sais pas. Je ne l’ai pas senti comme quelque chose d’utile ni de nécessaire à ce stade, mais c’est certainement très personnel 🙂