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Ce que nous (les femmes) voulons en ultra-trail

Dix à douze pour cent : c’est la part des femmes au départ de la Restonica, de la TDS ou de l’UTMB. Le chiffre interroge et dénote par rapport aux élites, où 40% sont des femmes (chiffres UTMB 2022, parité en 2023). Le niveau n’est pas en question, car plus on bascule vers l’ultra, plus les écarts entre sexes se réduisent. Alors qu’est-ce qui explique le manque d’engouement, d’intérêt ou de confiance des femmes pour s’inscrire sur des longues distances en montagne ? À l’occasion d’un week-end entre runneuses dans les Dolomites (Lavaredo Ultra Trail), nous avons brainstormé à cinq et listé quelques points d’amélioration à l’attention des organisateurs…

Lavaredo 120K (2023)
Les cinq ultra-traileuses à l’origine de cet article 🙂

Des toilettes à chaque ravitaillement

Cela coule de source, et pourtant c’est loin d’être le cas. Or il n’aura échappé à personne que les femmes n’ont pas les mêmes facilités que les hommes à uriner dans la nature. Sur une course longue, c’est même un vrai handicap car cela prend du temps et de l’énergie. Il nous faut repérer un endroit approprié et/ou à l’abri des regards, faire le détour pour s’y rendre, et cela plusieurs fois pendant la course.

Lorsque des toilettes sont prévues sur les ravitaillements, c’est parfois tout aussi compliqué. La file d’attente : on doit partager avec les hommes et tous les éventuels spectateurs. Le manque d’hygiène : jamais de papier toilette. La proximité : on en parle des toilettes placées à 300m du ravitaillement ?….

Bref, on veut des toilettes réservées aux coureuses à chaque ravitaillement ! Elles devraient être faciles à localiser (entrée ou sortie de la tente, avec un marquage clair) et proposer du papier et une poubelle.

Pour aller plus loin, je soumets cette idée de « Minute WC » : dans un souci d’équité par rapport au temps perdu vs les hommes, une coureuse qui se rend aux toilettes sur un ravitaillement devrait pouvoir bénéficier d’une minute décomptée de son chrono (sous réserve qu’elle passe au moins 1 minute arrêtée dans ces toilettes).

Le cas spécifique des règles

C’est LE grand sujet quand on parle des problématiques rencontrées par les filles en course. Une fille redoute par dessus tout d’avoir ses menstruations le jour J, car au-delà de tous les inconvénients physiologiques (fatigue, maux de ventre…), elle devra faire face à une logistique supplémentaire. Avoir accès à des toilettes, se laver les mains, pouvoir se changer si besoin et surtout jeter ses déchets.

Évidemment, il n’est pas possible de placer des toilettes tout au long du parcours… En prévoir à chaque ravitaillement, avec des poubelles et une possibilité de se laver les mains serait déjà un bon début. Peut-être pourrait-on également envisager d’avoir, de manière régulière sur le parcours, des poubelles pour les déchets liés aux règles ?

Tout est prévu pour le coureur qui a une ampoule, se tord la cheville ou s’écorche la jambe, alors pourquoi ne pas aussi prévoir, sur les ravitaillements, le nécessaire pour une coureuse qui a ses règles ? J’entends par là : recharges de tampons, de serviettes, lavettes pour se nettoyer… éventuellement culottes de rechange (oui, disons le !).

Les barrières horaires / SAS de départ

L’été dernier, au départ de la CCC, une personne de l’organisation faisait la chasse aux fraudeurs dans les vagues de départ. Dans les faits, seules les femmes étaient repérées, contrôlées et parfois renvoyées dans un SAS plus tardif. Eh oui, le « contrôleur » estimait que les hommes étaient meilleurs et méritaient davantage leur présence en tête de SAS…

Certes, les barrières horaires sont « calculées sur la dernière vague », il n’empêche que ceux qui partent devant auront de l’avance sur ces barrières tout en évitant généralement les bouchons. Les coureuses, aux index ITRA sensiblement plus bas que ceux des hommes, se retrouvent globalement dans les derniers SAS. Elles en font les frais, surtout en début de course quand les marges sont courtes.

Plusieurs solutions / suggestions par rapport à ce problème. Première idée, répartir les femmes équitablement sur les différents SAS (indépendamment des hommes). Par exemple, si 300 femmes sont inscrites et qu’il y a 3 vagues de départ, répartir 100 femmes sur chaque vague en fonction de leur niveau les unes par rapport aux autres. Cela changera du système actuel qui répartit la masse homme-femme sur les 3 vagues.

Deuxième option, plus disruptive : adapter les barrières horaires en les élargissant pour les femmes. C’est un fait que les coureuses sont moins rapides que leurs homologues masculins, même si cela tend à se lisser sur la longue durée. Alors les barrières horaires du début d’un ultra trail devraient être recalculées en fonction de cette différence.

Départ de la CCC… cherchez les filles 🙂

Bases de vie : à l’abri des regards

Quasiment tous les lieux de pratique sportive en France disposent de vestiaires réservés aux femmes, sauf le trail ! Sur les bases de vie en ultra, il faut être suffisamment à l’aise pour se changer (parfois intégralement) au milieu d’une foule composée de coureurs, assistants, spectateurs… Le froid, la boue, les vêtements trempés par la sueur ne facilitant déjà pas la tâche, c’est d’autant plus compliqué lorsqu’on veut éviter de partager tous les détails de son anatomie avec ses voisins.

Certains diront que ce n’est pas le moment d’être pudique et que « personne ne regarde »… il n’empêche. Prévoir un espace dédié à l’abri des regards, pour permettre aux coureuses qui le souhaitent de se changer plus discrètement, ne devrait pas être une grosse affaire. Un simple rideau ou paravent de séparation serait déjà le bienvenu !

Dans la même veine, lorsqu’un service de douche ou des vestiaires sont prévus à l’arrivée (ou sur une base de vie), messieurs les organisateurs, n’oubliez pas la déclinaison pour les femmes ! S’il n’y a qu’un seul vestiaire ou une seule salle de douche, les coureuses ne pourront pas en bénéficier à moins d’être particulièrement à l’aise avec le naturisme…

Arrivée Transaubrac
Une base de vie, c’est généralement bruyant et bondé. Pas évident de se trouver un espace pour se changer, encore moins à l’abri des regards. Ici, à l’arrivée de la Transaubrac.

Des adaptations pour les mamans

Le sujet de l’allaitement a fait couler beaucoup d’encre, notamment grâce aux photos de Sophie Power allaitant son enfant pendant l’UTMB 2018. Il n’est pas le seul. Oui, les femmes qui courent sont parfois des mères.

Que ce soit un espace au calme pour allaiter, un service de garde des enfants pendant une course, la possibilité d’annuler sans frais sa participation quand l’un de ses enfants est malade, que l’on tombe enceinte… il y a des centaines d’idées à creuser pour donner envie et faciliter l’accès au trail à toutes les femmes. Et bon nombre de ces services seront tout aussi utiles aux papas 😉

En 2023, pour la première fois, l’UTMB World Series a instauré une nouvelle politique qui permet aux femmes de reporter ou se faire rembourser leur inscription en cas de grossesse. C’est mieux que rien, même si je trouve à titre personnel que la grossesse devrait – par défaut – faire partie des motifs d’annulation ou de report sans frais. Pour réellement faire preuve d’inclusion et de diversité, il va falloir creuser un peu plus !

Course Eiffage du Viaduc de Millau
Trouver du temps pour courir lorsqu’on est maman, tout un programme !

Le délicat sujet de l’âge

Cela semblera anecdotique à certaines, c’est néanmoins essentiel pour d’autres 🙂 Les groupes d’âges sont indispensables pour constituer des catégories de coureurs/coureuses. Pour autant, est-il nécessaire d’afficher cette tranche d’âge sur les suivis Livetrail ?

On peut en rire… ou pas, mais ce n’est pas toujours agréable d’avoir son âge visible par tous ceux qui suivent notre course. Donc les catégories (M0, M1, M2, M3…) c’est OUI, les années d’âge en première lecture, c’est NON !

La discussion est ouverte !

Si toi aussi tu cours et que tu voudrais que des choses changent (ou que tu ne cours pas mais que tu sais ce qui pourrait te faire changer d’avis), les commentaires sont là pour que le sujet soit complété ! Donne-nous ton avis, ton ressenti et proposons ensemble un nouveau cadre plus propice aux femmes 🙂

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5 commentaires sur “Ce que nous (les femmes) voulons en ultra-trail”

  1. Bravo. L’article est exhaustif. Un peu plus de confort, d’intimité et d’hygiène pour les femmes, ce serait déjà bien cool.
    Rien à voir avec l’équité mais le maintien des bidons sec gels hydro-alcooliques sur tous les ravitos c’est bien pour que les mecs qui ont fait pipi partout n’aillent pas mettre leurs mains sales (?) dans le plateau de Tucs ou de chocolat.

    1. Julie Lutringer // AB Presse

      Ah oui une bonne idée 👍 il y a aussi pas mal de courses sur lesquelles on ne peut pas/plus se servir soi même. Avantage, c’est plus propre et il y a moins de gâchis. Inconvénient, il y a parfois la queue et cela requiert plus de bénévoles.

  2. Retour de ping : Lavaredo 120k : l'enfer au paradis - Plus loin plus haut

  3. Bonjour,
    Je suis ravie de tomber sur cet article après avoir eu une expérience très décevante ce week-end et je me pose la question de la place des femmes dans ce milieu. En effet, samedi je m’élançais sur mon premier trail de 55km et 3000d+. Au bout de 3h de course, et grâce à une autre coureuse, on comprend qu’il nous reste 1h avant la barrière horaire (problème de renseignement de mon côté mais je n’étais pas la seule apparement). J’accélère donc au maximum pour passer la barrière, une personne sur place me dit que voyant le nombre de coureurs restants sur le parcours, ils l’ont allongée de 15mn mais malgré ça j’ai malheureusement été recalée après 22km, 1200d+ et 4h18 de course … ce qui a également été le cas pour beaucoup d’autres coureurs. Je me demande donc où se trouve l’inclusivité dans ce genre d’épreuve ? Ne faudrait-il pas dans ce cas des barrières différentes pour les hommes et les femmes … ? Je sais bien qu’un ravitaillement ne peut pas rester en place toute la journée mais quand on sait qu’entre cette barrière et la suivante on avait 8h pour faire 17km et le même dénivelé, je ne comprends pas … je sais bien que je ne suis pas une fusée sur trail, loin de là, et qu’il faut savoir dire stop à un moment mais je trouve que ces barrières trop courtes, (comme c’est souvent le cas sur les premières parties des parcours) peuvent être un frein pour que les femmes s’engagent plus sur ce genre de course (surtout quand on sait que j’ai certainement perdu ces 3 précieuses minutes pour un stop pipi 2km après le départ car les toilettes étaient mixtes et squattées par des hommes …)

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