Aller au contenu
Accueil » L’échec en ultra-trail : une épreuve ou une leçon ?

L’échec en ultra-trail : une épreuve ou une leçon ?

Je viens d’en finir avec ma deuxième TDS. Enfin finir… Je viens de m’arrêter à La Gittaz. Échec. Il est 20h29 et la barrière horaire est à 20h30. J’aurais pu continuer. J’aurais dû continuer. Je sais que cette minute va me hanter longtemps. J’en ai conscience. Mais, sur le moment, je n’ai pas trouvé les ressources nécessaires pour faire ces pas supplémentaires. Pied gauche, pied droit, pied gauche, pied droit… Plus rien. Un bénévole attrape mon dossard et découpe un morceau en bas à droite. DNF (Did Not Finish). Je connais le geste. Je l’ai déjà vécu. Plusieurs fois. Sur ma première TDS en 2019 (arrêt au Cormet de Roselend). Lors de l’UTMB en 2022 (arrêt à Courmayeur). Ou encore sur d’autres courses, ailleurs…

Tout le monde me dit que ce n’est pas un échec. Que les conditions si particulières de cette année – cette neige, ce vent, cette pluie, ce brouillard, ces températures négatives – font que s’arrêter après 80 bornes, c’est déjà super. Je sais en mon for intérieur que j’ai donné tout ce que je pouvais donner sur cette course. Je sais aussi que j’avais cette minute pour passer et continuer. Et que je ne l’ai pas fait. C’est difficile à expliquer. Est-ce que j’ai baissé les bras ? Est-ce que le mental a lâché ? Est-ce que j’ai eu raison de m’arrêter là car, derrière, ce qui m’attendait aurait été encore plus compliqué ? C’est difficile l’ultra-trail. C’est bien plus qu’une simple course à pied.

parcours TDS 2023

À lire aussi : Reco TDS (partie 1) : se rassurer ou se faire peur ? // Reco TDS (partie 2) : la ruée sauvage

Un voyage émotionnel, physique et mental

L’ultra représente un voyage émotionnel, physique et mental à travers des paysages souvent sauvages. Un voyage où chaque participant affronte ses propres démons, ses limites et ses peurs. En cours de route, il y a des victoires, de grandes réalisations et, inévitablement, des échecs. Certain.e.s trouvent les ressources pour aller au-delà. Trouvent la rage de se révolter. De refuser de lâcher, de baisser les bras. D’autres non. Et cela change complètement d’une course à l’autre. Parfois on est cette personne au mental d’acier. Parfois on laisse s’exprimer sa voix intérieure qui nous implore d’arrêter cette souffrance. Pourquoi l’une l’emporte sur l’autre dans un cas précis ? Cette question reste bien souvent en suspens.

L’échec, dans le contexte de l’ultra-trail, peut prendre de nombreuses formes : abandon à cause d’une blessure, épuisement mental, conditions météorologiques extrêmes, ou simplement ne pas atteindre son objectif personnel. Pour beaucoup, cet échec peut être un moment dévastateur, une cicatrice sur leur fierté d’athlète. Et se comparer aux finishers n’est pas chose aisée. Mais l’échec, aussi douloureux soit-il, porte en lui des graines de sagesse et de croissance. Du moins, je veux le croire 😅

La Gittaz - TDS 2023
Il est 20h15. Je viens de regarder ma montre et de réaliser. Je descends vers la tente du ravitaillement de La Gittaz, installée près du refuge. Crédit : Florence Santrot.

Quatre solutions face à l’échec en ultra-trail

  1. La remise en question : L’échec nous pousse à nous interroger sur notre préparation, notre mentalité et nos motivations. Me suis-je correctement entraîné.e ? Mes équipements étaient-ils adaptés ? Étais-je vraiment prêt.e mentalement ? Avais-je vraiment envie de participer à cette course ? Ces questions sont essentielles pour comprendre ce qui s’est passé et comment s’améliorer pour la prochaine fois.
  2. Le renforcement mental : Chaque échec nous offre une opportunité de renforcement. Accepter l’échec, apprendre de lui et continuer à avancer sont des compétences mentales qui transcendent le monde de l’ultra-trail et qui sont bénéfiques dans toutes les sphères de la vie. Mais cela nécessite du temps et de la réflexion. L’occulter serait une erreur. Et c’est sans doute ce que j’ai fait lors de mes échecs précédents.
  3. La communauté : L’échec en ultra-trail n’est pas un voyage solitaire. La communauté des coureurs est solidaire. C’est – aussi – ça qui en fait le sport le plus stylé de l’univers. Partager ses échecs avec d’autres permet de se rendre compte qu’on n’est pas seul.e. Les histoires d’autres coureurs peuvent être une source d’inspiration et de réconfort. Voir comme il ou elle s’en est relevé. Les ressorts qui ont fonctionné et ce qui n’a finalement pas été utile… autant de pistes à explorer pour soi-même.
  4. Une nouvelle perspective : L’échec peut aussi nous offrir une perspective différente sur ce que signifie « réussir ». Ce n’est pas toujours le fait de franchir la ligne d’arrivée, mais le voyage lui-même, les leçons apprises en cours de route et la capacité de se remettre en selle qui constituent la véritable réussite.

L’échec, une composante inévitable de l’ultra

Col du Petit Saint-Bernard - TDS 2023
Au petit matin à l’approche du Col du Petit Saint-Bernard. Aussi exigeant soit-il, ça reste quand même le sport le plus stylé de la planète. Crédit : Florence Santrot.

L’échec en ultra-trail, bien que difficile à accepter sur le moment, est une composante inévitable de l’expérience de l’ultra-trail. Évidemment, ce n’est pas une fin en soi. On met généralement tout en œuvre pour l’éviter à tout prix. Mais il faut néanmoins le voir comme une étape dans le voyage continu de l’apprentissage et de la croissance dans ce sport. Il s’agit de reconnaître l’échec, de l’embrasser, d’en apprendre, et de continuer à avancer avec une détermination renouvelée. Est-ce que le processus est plaisant et simple ? Loin de là. Mais il est nécessaire.

L’important est de rebondir. J’ai échoué deux fois sur cette TDS. Pourtant, plus j’arpente ses chemins, plus je l’aime. Je sais déjà que je vais me réinscrire. Jamais deux sans trois, comme on dit. Peut-être que j’irais au bout. Peut-être pas. Une chose est sûre, le voyage continue et j’aime toujours autant ce sport et cette immersion totale dans la nature. Même avec de la neige qui cingle le visage. Même avec les mains gelées qui ne parviennent plus à serrer les bâtons. Et même avec les pieds mouillés pendant 20 heures.

La passion est intacte et c’est bien là le principal.

Abonne-toi !

Inscris-toi pour être notifié dès qu'un nouvel article est publié.

Nous ne spammons pas et ne communiquons ton adresse à personne 😉

Partage cet article :
Étiquettes:

6 commentaires sur “L’échec en ultra-trail : une épreuve ou une leçon ?”

  1. L’ultra est aussi une question de conditions et de paysages… les paysages sublimes aident je pense tellement à avancer. Quand tu vois rien c’est différent… cette année les conditions étaient réunis pour sue ce soit tres difficiles… oui une 3eme tds… Bisousssss

  2. Bonjour Florence,

    Tout d’abord félicitations pour ta pugnacité qui demeure intacte, nourrie de ta passion.
    Ce mini « récit-thérapie » si j’ose dire t’apporte indéniablement le réconfort psychologique idéal et de la meilleure manière qui soit pour prendre le recul qui s’impose (l’écriture est une force). Comme tu l’évoques il y a des jours avec et des jours sans, sur tout type de courses, du 10 K au 100M, même entrainé(e). Mais il faut avouer que les conditions de la TDS étaient particulièrement rudes et hostiles en début de course cette année. J’ai vécu cela sur la 6000D (et clairement je n’avais plus envie d’être là par zéro degré à 3000m).

    Il y aura d’autres rdv, aspirations et défis intérieurs à relever pour toi, le meilleur est à venir,
    Bon repos, et surtout il faut croire en ses rêves !
    Amicalement,
    Franck

  3. Retour de ping : Bilan post TDS : ce qui a marché - Plus loin plus haut

  4. Retour de ping : Muscler son mental pour un ultra - Plus loin plus haut

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *